LE BILAN

Les choses: Quels enjeux pour un bilan les concernant ?






Avant tout, il ne sera pas inutile de préciser que l’IRMAR a coutume, en interne, de nommer ce spectacle LE BILAN, et ce moins par souci d’économiser la salive (le titre est long) que par volonté de dire les choses telles qu’elles sont, c’est dire si l’enjeu est lourd. Car en effet (et l’on se prend ici à rêver du nombre de phrases qui se refusent obstinément à commencer par ‘car en effet’), il est bien question d’un bilan dans ce spectacle. Bilan de quatre années de recherches de l’IRMAR sur Rien et les Choses, spectacles et performances à la clef.



Le spectacle est pensé comme une conférence durant laquelle l’IRMAR expose quelques-unes de ses découvertes (mystère…), et son savoir-faire en terme de logistique lourde : radio-réveil, synthétiseurs pour enfant, feuilles de papier, mise en abyme discursive… Quatre acteurs, à la table, face public, effectuent des tours de magie sonores, répondent par des procédures spécifiques aux nombreuses questions soulevées par le temps qui passe et ses incroyables soubresauts, réagissent avec panache aux évènements en cours, se livrent à un débat interne sur l’enjeu d’un débat sur les choses, construisent de toute pièce une installation artistique évoquant l’art et l’océan, enfin se laissent aller sans chichi à la poésie et la beauté fugace.


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PRESSE

Prenant à contre-pied la société du spectacle et son besoin de grandeur démonstrative, le style burlesque minimaliste de l’I.R.M.A.R. se révèle d’une poésie infiniment efficace. L’écriture scénique collective des quatre acteurs suit autant les principes du théâtre que ceux de la musique, avec pour pulsion originelle le Discours sur rien de John Cage, partition dans laquelle il se propose de parler de rien. Aussi ludique qu’intelligent, ce spectaculaire du rien finit alors, comme le travail de son illustre inspirateur, par nous parler de tout.


Taking the opposite direction of show business which needs to be impressive, the minimalist burlesque style of I.R.M.A.R. has proven itself to be extremely poetic. The four actors collective scenic writing applies to the stage as much as to the music principles, with John Cage’s Lecture on nothing as a starting point, a music score about nothing. After several show, I.R.M.A.R. explains, in a conference, some of their inventions and their know-how about special effects: alarm clocks, children synthesizers, magical soundtricks, paper sheets and self ironical speech. 

LES URBAINES-LAUSANNE 
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Irmar - L'éloquence du rien

L'Oeil - n° 651 - Novembre 2012

Le collectif de théâtre se produira fin novembre à la Ménagerie de verre pour jouer « Le Bilan » un spectacle-performance pensé comme une conférence.
Invité en novembre à la Ménagerie de verre pour le festival parisien Les Inaccoutumés, le collectif de théâtre IRMAR présente Le Bilan, une conférence qui tourne à vide sans pour autant tourner en rond. Après cinq ans de travail, une mise au point s’imposait. Mais ce qui se voulait un bilan « sur les choses » ne sera qu’une réflexion sur « les enjeux mêmes de faire un bilan ». Dérobade sémantique… Le Bilan est une version ultracondensée de la pièce-manifeste Du caractère relatif de la présence des choses dont il extrait l’essence : quatre acteurs, une table couverte d’un drap noir en guise de coulisse ou de chapeau de magicien, une rangée de magnétophones capricieux, des jeux de regard type commedia dell’arte ascétique et des objets sans utilité précise, cercle en métal et feuilles blanches. On vous aura prévenu : IRMAR n’a rien à dire. Ne s’embarrasse pas du sens. S’en méfie au contraire, autant que du texte – celui avec un grand T, qui domine encore le théâtre. Chez eux, le « Less is more » de Mies van der Rohe confine à l’obsession. La scène est un laboratoire de recherche, une surface de projection. En quête d’une « tension neutre », ils feignent le dilettantisme pour aller au fond des choses. Cerner leur origine. Buster Keaton conceptuels, socratiques burlesques, ils pratiquent une philosophie concrète, de sons et d’objets, de présences, qui vaut bien tous les théâtres érudits.

« Depuis nos débuts, on travaille sur rien et puis aussi sur quelque chose », s’explique avec un sérieux à peine amusé Victor Lenoble, l’un des six membres pseudo-permanents d’IRMAR. Tous, ou presque, ont moins de 30 ans, sortent de l’Érac – une école d’acteurs cannoise –, étaient ou sont encore comédiens et entretiennent un lien plus ou moins étroit avec la musique situationniste et la Bourgogne, terre natale ou d’adoption. À l’origine de leur « vocation » artistique, un texte bien connu des historiens d’art : Le Discours sur rien de John Cage. Une partition de mots et de silences où la parole est matériau sonore. Une prose sur le rien qui parle finalement de tout, iconoclaste et jouissive, à l’image même du collectif.

Piettre Céline

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Les Inaccoutumés, festival hors-norme qui brasse les propositions les plus audacieuses de la scène contemporaine, s’offre pour cette nouvelle édition le « Bilan » de l’IRMAR, occasion de revenir sur les conventions du spectacle vivant à la lisière des musiques bruitistes et de l’installation plastique, dans une écriture scénique subtile, minimaliste, et pleine d’humour.
IRMAR, l’Institut des Recherches Menant A Rien, l’intitulé du collectif représente déjà en soi tout un programme. Aux origines de ce projet artistique, qui a vu le jour en 2007, il y a un intérêt marqué pour la musique concrète et industrielle et pour les écrits des situationnistes et de John Cage. Sa pièce Discours on Nothing (1959) fonctionne comme manifeste du groupe qui y puise, outre la pulsion pour le Rien (présent dans sa dénomination), le gout pour une plongée radicale dans la plasticité du langage, ses rythmes et pauses, affranchie de la nécessité d’un sens univoque.
Après de multiples déclinaisons dans une série de Discours sur Rien, les membres d’IRMAR ont pris les choses à bras le corps, se sont focalisés sur les failles du réel, les conventions et habitus qui le construisent, pour toucher du bout des doigts à la factualité du monde. Ainsi Du caractère relatif de la présence des choses, remarqué au T2G dans le cadre du Festival tjcc 2012, ou encore pour aller plus loin dans cette démarche, Le Fond des Choses : Outils, Oeuvres et Procédures, des pièces fragiles et sensibles, procèdent à chaque fois d’une méthode apparentée à la réduction phénoménologique chère à Merleau-Ponty.
Les Choses : quels Enjeux pour un Bilan les concernant ?, créée en 2010 au Festival Imaginez Maintenant à Marseille, se donne comme une mise au point, un retour sur des années de recherches et garde intacte son actualité et sa pertinence. Sa forme de conférence, au premier abord posée, autour d’une table, dans un dispositif frontal, est minée dès le départ. Des regards de biais, en connivence, dans le miroir qui couvre un des murs de la petite salle sous la verrière de la Ménagerie, introduisent un écart faisant signe vers les conventions du cinéma muet. Des trafics sous la table transforment cet unique élément de décor en véritable chapeau de magicien, qui ménage, outre les apparitions/disparitions incongrues et étonnantes par la sincérité des « trucs » low-fi employés, une radicale et permanente mise en question des lois de causalité entre les phénomènes et micro-événements qui s’y produisent.
Tels des laborantins rigoureux et fantasques à la fois, les quatre membres de l’IRMAR se livrent à des expériences qui dégagent de nouveaux enjeux dans les relations toujours mouvantes entre objets, sons, performeurs et public, enclenchées par la circulation des regards et de la musique concrète. Des associations arbitraires font déraper les protocoles d’un exposé universitaire et la logique bien rodée d’un colloque de team building si spécifique au monde de l’entreprise, ouvrent la brèche d’une pensée magique à l’aune de la technologie électronique. Tout devient possible : la boite noire mécanisée et apparemment autonome qui lançait tout à l’heure d’abondants messages sur des feuilles de papier vierges, vient au final éclater l’installation métallique et poétique évoquant l’art et l’océan (dixit le texte de présentation de la pièce) alors qu’on nous raconte l’histoire du pommier sauvage ! Un humour pince sans rire et une fantaisie bien débridée nous ramènent au plus près des choses de la création artistique, c’est le seul Bilan à retenir d’IRMAR et des Inaccoutumés dans son ensemble.

06 décembre 2012 Par Smaranda Olcese